© Sandra Stavo Debauge

Le glacier de la Girose : futur haut lieu de sensibilisation et d'émerveillement ?

Dimanche 4 août, Heïdi Sevestre (glaciologue), Marion Poitevin (guide de haute montagne, secouriste et membre du collectif La Grave Autrement) et Fiona Mille (présidente de Mountain Wilderness France) se sont retrouvées au glacier de la Girose, à 3 200 m, pour évoquer d'autres perspectives que le troisième tronçon pour la Grave.

3 min de lecture
Hautes-Alpes
Écrins
Transition
Espaces protégés
Aménagement

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 06 août 2024

Ouvrir les réflexions pour le devenir de la Girose et de la Grave

Depuis 2020, Mountain Wilderness France s'engage aux côtés du collectif "La Grave Autrement" pour penser à une solution alternative concernant l’avenir du village de La Grave et de son domaine de haute montagne. L'association souhaite participer à l'émergence d'une alternative au projet de troisième tronçon de téléphérique (le T3), cet aménagement de grande ampleur qui conduirait à détruire l'écosystème glaciaire de la Girose et son panorama d'exception en construisant une gare d'arrivée à 3 600 m et un pylône de 27 mètres sur le rognon rocheux au milieu du glacier.

Si depuis quatre ans, La Grave Autrement, Mountain Wilderness et les associations partenaires1 sensibilisent sur les impacts écologiques et économiques de la construction de ce troisième tronçon, nous avons dès le départ émis le souhait d'engager un dialogue territorial sur le devenir de la Grave. Aux pieds de la reine Meije, ce territoire est absolument unique et mérite de véritables réflexions plutôt qu'un ultimatum "le T3 ou la mort du village". Il est encore temps de prendre du recul et de discuter collectivement de ce qui est souhaitable pour la Girose et pour la Grave !

Vers une alternative souhaitable grâce aux tronçons existants

En bordure immédiate de la zone cœur du Parc national des Écrins, la Girose est le dernier grand glacier français physiquement accessible à tous, enfants et familles, depuis la gare d’arrivée du téléphérique de la Meije, à 3200 m ! Cet atout fait de ce lieu unique une véritable source d'inspiration pour la découverte, l’émerveillement et la sensibilisation à la protection de nos montagnes.

« Ce glacier est le seul en France directement accessible pour tout un chacun. Pourtant, son potentiel est aujourd'hui sous-valorisé. Grâce au premier et deuxième tronçons, il est possible d'y accéder très facilement mais arrivé là-haut, il n'y a pas d'accompagnement humain pour le découvrir. » soulignait Fiona Mille le dimanche 4 août 2024 lors d'une rencontre organisée à la Girose avec Heidï Sevestre et Marion Poitevin.

De beaux projets pédagogiques pourraient ainsi s'imaginer à 3 200 m ! Aujourd'hui, en arrivant au col des Ruillans, on profite d'un panorama d'exception, on peut déguster un verre en terrasse, mais il n'y a aucune médiation humaine pour découvrir cet univers de neige, de glace et de roches. Seul un panneau informatif explique sommairement la composition chimique du glacier et l'équipement adéquat pour s'y promener.
En lisant de plus près le panneau, Heïdi Sevestre, qui rappelle souvent que les glaciers sont les meilleures baromètres du climat, se désole du faible niveau d'informations proposé. « Nous sommes à côté d'un glacier, c'est une chance unique, et il n'y a aucune mention de l'impact des activités humaines sur le dérèglement climatique et sur la disparition de ce glacier : ce n'est pas sérieux ! Il y aurait pourtant tellement à raconter ici, c'est un lieu de sensibilisation incroyable ! ».

La Girose : laboratoire à ciel ouvert de sensibilisation au dérèglement climatique par l'émerveillement

C'est unique au monde d'être à 3 200 m d'altitude sur la marge d'un glacier et d'y avoir accès aussi facilement. En cela, la Girose est un site au potentiel gigantesque de sensibilisation et d'éducation par le merveilleux. Mieux que n'importe quel musée ou exposition, être ici, dehors, en haute-montagne, permet de mieux comprendre comment le climat est en train d'évoluer. Quand on voit des photos de ce glacier il y a 10, 20 ou 30 ans, et qu'on constate son recul foudroyant de nos propres yeux, on comprend directement l'accélération du dérèglement climatique à l'œuvre. En cela, le glacier de la Girose peut être un véritable déclencheur du passage à l'action !

Plutôt que d'investir dans un nouvel aménagement aux intérêts économiques incertains, et aux conséquences environnementales évidentes, ne pourrions-nous pas miser sur l'existant et faire de la gare d'arrivée du T2 un véritable lieu d'accueil et de sensibilisation à la haute-montagne ? Des médiateurs scientifiques pourraient accueillir le grand public pour expliquer le fonctionnement et le rôle du glacier, ainsi que notre dépendance aux glaciers pour la ressource en eau, pour l'énergie, l'agriculture, l'industrie. Des guides pourraient amener des jeunes chausser leurs premiers crampons et apprendre à cheminer sur un glacier entre les crevasses. Des naturalistes pourraient inviter à ouvrir grands les yeux, ou sortir les jumelles, pour observer rapaces et plantes d'altitude. Un lieu pourrait accueillir des scolaires dormir à 3 200 m d'altitude aux quatre saisons et profiter des plus belles nuits étoilées ... Il y a tant de pistes enthousiasmantes à envisager pour la Girose !

L'accès a été immensément facilité par ce téléphérique, on en est ravis, mais aujourd'hui en tant que guide de haute montagne, j'ai envie que cet espace reste sauvage pour pouvoir partager la féérie de ce lieu.

Marion Poitevin, guide de haute-montagne

À la fois sauvage et accessible

Le Glacier de la Girose a cette particularité d'être à la fois facile d'accès et non aménagé (dès le démantèlement du téléski obsolète). « L'accès a été immensément facilité par ce téléphérique, on en est ravis, mais aujourd'hui en tant que guide de haute montagne, j'ai envie que cet espace reste sauvage pour pouvoir partager la féérie de ce lieu », partage Marion Poitevin qui connaît très bien tous les recoins du vallon.

Comme toujours, il s'agit de trouver l'équilibre pour peut-être ne pas succomber à la tentation d'aller toujours plus haut en construisant davantage, mais de changer d'approche. Le territoire de la Grave dispose d'un site naturel exceptionnel. En le protégeant, en le valorisant davantage, il pourrait devenir un lieu unique en France. Prenons le temps d'ouvrir le débat et d'envisager d'autres possibles !

Et maintenant, que faire de ces envies ?

Avec le collectif La Grave Autrement, nous avons ces derniers mois invité les collectivités territoriales et services de l’État à échanger avec nous sur des alternatives au T3. Depuis le début, nous sommes convaincus que seul un véritable dialogue territorial, ouvrant toutes les pistes pour La Grave, permettra de se projeter réellement dans un projet enthousiasmant et lucide pour le territoire. Nous avons toutes et tous une responsabilité collective face au devenir de ces géants de glace. Il est temps d'avoir des réflexions entre tous les acteurs pour préserver et valoriser le glacier tout en pensant le devenir de la vallée.

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