Des vacances aux JO d’hiver : « Peut-on encore faire rêver de ski les enfants de 2030 ? »

Le 3 février dernier, Martin Fourcade annonçait renoncer présider le comité d’organisation des Jeux olympiques d’hiver, prévus dans les Alpes françaises en 2030. Pour Mountain Wilderness, ses Jeux révèlent le décalage croissant entre un ancrage historique dans la promotion de l’or blanc et la réalité écologique.

2 min de lecture
Transition

Écrit par Fiona Mille, Présidente

Publié le 13 févr. 2025

Tribune paru sur la-croix.com le 7 février 2025

Protéger les glaciers, investir dans les transports en commun, adapter l’agriculture de montagne… Les propositions citoyennes pour protéger et faire vivre les montagnes en 2030 sont nombreuses, comme en témoigne la forte participation à la consultation citoyenne lancée par Mountain Wilderness jusqu’au 30 mars, sur le site Make.org. Le débat s’annonce riche et passionnant sur le devenir de nos montagnes. Ce besoin de débattre et de s’impliquer activement est devenu prioritaire au regard des défis qui menacent nos vallées et territoires d’altitude.

En première ligne du dérèglement climatique, les montagnes tirent la sonnette d’alarme. La hausse des températures assèche les pâturages, fragilise les forêts et accélère la fonte des glaciers, menaçant l’eau de nos rivières en aval. La neige naturelle qui émerveille petits et grands, et fait vivre économiquement une partie de nos territoires, devient désormais rare en moyenne altitude.
Quelques dixièmes de degrés de plus, liés à nos émissions de CO2, et la magie de la neige se transforme en pluie. Les éboulements se  multiplient, impactant la haute montagne et les vallées, coupant routes et voies ferrées.

En 2023, un effondrement a paralysé l’A43 et la ligne Lyon-Modane ; en 2025, la Tarentaise subit le même sort. Certains territoires deviennent de plus en plus vulnérables, comme en 2024, lorsque la crue du torrent des Étançons a rayé de la carte le hameau de La Bérarde au cœur du Parc national des Écrins. Avant cela, la tempête Alex (2020) avait déjà causé
d’importants dégâts dans les vallées de la Vésubie et de la Roya.
Indéniablement, le changement climatique s’accélère, remettant en cause l’habitabilité même de nos montagnes.

Des JO d’hiver figés dans le passé

Les choix d’aujourd’hui façonnent l’avenir de nos montagnes. Les directions à prendre devraient être largement débattues dans les villages, vallées et au niveau national avec l’ensemble des parties prenantes, à l’image des États généraux de la transition du tourisme en montagne, qui ont eu lieu en 2021. Débats et dynamiques territoriales prennent de l’ampleur dans certaines vallées, comme en témoigne le dossier de La Montagne et alpinisme titré « Une montagne de mobilisation citoyenne » sur ce bouillonnement montagnard inédit. Or, à l’échelle nationale le manque de débats sur le devenir de nos montagnes est flagrant, à l’image de la décision prise sans aucune concertation pour des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver en 2030.

Plus qu’un événement sportif, ces Jeux reflètent une vision ancrée dans l’ère de l’or blanc. Mais peut-on encore faire rêver les enfants de 2030 de glisse alors que les stations de moyenne montagne peinent à se réinventer ? Dans un contexte climatique exigeant des transitions urgentes, ce choix risque de figer nos montagnes dans le passé et de freiner leur nécessaire transition.

« Mon ambition pour ces Jeux est claire : ils doivent être en phase avec leur époque, pleinement conscients des enjeux écologiques et ancrés dans la réalité économique de notre pays »

Martin Fourcade, sextuple champion olympique de biathlon

« Mon ambition pour ces Jeux est claire : ils doivent être en phase avec leur époque, pleinement conscients des enjeux écologiques et ancrés dans la réalité économique de notre pays », a écrit Martin Fourcade, sextuple champion olympique de biathlon, ce lundi 3 février en annonçant le retrait de sa candidature à la présidence du comité d’organisation des Jeux d’Hiver. En sus des émissions de gaz à effet de serre liés aux déplacements internationaux, à l’artificialisation des sols et impacts sur la biodiversité des nouvelles infrastructures d’hébergement créés, les cahiers des charges du Comité International Olympique (CIO) est le reflet de pratiques sportives de haut niveau devenues hors-sol, déconnectées du milieu montagnard. En 2030, devons-nous faire rêver de montagne dans un décor où la neige sera réglementairement 100 % artificielle ?

Réinventer notre rapport à la montagne

Au-delà de l’indignation, de la déception que ces JOP risquent de susciter, leur organisation conduit à poursuivre une politique structurante centrée sur les sports d’hiver, quel qu’en soit le prix. Face aux manques récurrents de neige, les politiques menées jusqu’ici ont poussé les stations et les villages à investir lourdement, voire s’endetter, pour tenter de compenser artificiellement ce que la nature ne peut plus offrir. Les canons à neige et bassins de rétention d’eau sont devenus la norme. À Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales, 80 % du domaine skiable est couvert de canons. D’autres stations investissent lourdement pour aller chercher la neige encore plus haut et plus vite en altitude à l’image du Jandri 3S aux Deux Alpes (Isère), qui a coûté 148 millions d’euros.

En moyenne montagne, sans avoir pu anticiper les choix de transition à opérer, beaucoup s’endettent et se retrouvent étranglés. Des stations, des villages, des vallées se retrouvent pieds et mains liés par le tout-tourisme, avec une proportion de résidences secondaires qui montent parfois jusqu’à 90 % rendant impossible une vie à l’année.

Les années fastes de l’or blanc sont derrière nous, et le principal enjeu est d’écrire un nouvel avenir plutôt que de rester tournés vers le passé. Le ski gardera une place, mais nos montagnes ont bien d’autres richesses à valoriser et faire découvrir. Les stations de montagne de demain pourraient devenir des portes d’entrée vers ces espaces préservés, jouant un rôle de lien entre vallées et sommets dans un projet territorial partagé. Elles permettraient de découvrir la montagne sous toutes ses facettes : nature, sport, culture, artisanat, gastronomie… Les grands immeubles, souvent inoccupés, pourraient devenir des centres d’accueil et de découverte de la montagne, offrant des activités variées comme l’observation de la faune, les sports de plein air, les bivouacs étoilés ou les classes en extérieur. Une piste parmi tant d’autres pour réinventer notre rapport à la montagne, la préserver, tout en continuant à nous émerveiller.

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