* Titre d’une conférence du glaciologue Jean-Baptiste Bosson.
Ce thème a fait l’objet d’un article dans la prestigieuse revue Nature.
Les chiffres de la partie précédente illustrent l’ampleur de la
tâche. C’est un engagement fort qui a été pris par l’État fin 2023, et
nous nous assurerons que ces annonces ne restent pas des vœux pieux. Il
est en effet urgent de protéger les glaciers français, dont le volume et le nombre ne cesse de décroître : les glaciers de l’arc alpin ont perdu près de la moitié de leur volume depuis le début de l’ère industrielle6, et 14 des 29 glaciers recensés dans les Pyrénées françaises en 2002 ont déjà disparu7.
Seuls le respect de l’Accord de Paris et une baisse drastique de nos
émissions de gaz à effet de serre pourront limiter les conséquences
dramatiques du réchauffement climatique montagnard sur les glaciers
français. De la même manière, seules des mesures de protection forte pourront contrarier les projets d’aménagement hors du temps
qui concernent encore aujourd’hui les écosystèmes glaciaires (projets
de retenues collinaires visant à transformer les lacs ou marges
proglaciaires en espaces de production de neige de culture ; projets
d’aménagements qui visent à maintenir ou à créer un accès au glacier se
retirant davantage chaque année ; …).
Les modalités de protection envisagées pourront prendre différentes formes (site classé ; réserve naturelle ; arrêté de protection ; …) mais elles devront avoir deux points communs :
- Anticiper le retrait glaciaire et l’évolution des écosystèmes
L’évolution des écosystèmes glaciaires commence à être bien documentée, notamment grâce au projet Ice&Life : les modalités de protection basées sur une liste arrêtée d’espèces ou d’habitats sont susceptibles d’être rendues caduques ou obsolètes par les conséquences du réchauffement climatique alpin. Il ne s’agit pas non plus de protéger le glacier en tant qu’entité physique, puisqu’il disparaîtra en partie, mais bien le patrimoine paysager et immatériel (la mémoire et l’esprit des lieux) : on protège un espace en évolution permanente.
- Être au cœur du projet du territoire
Au-delà du nécessaire consentement des élus locaux — un prérequis, mais insuffisant — la coopération entre les habitants et les acteurs concernés est indispensable pour que la protection soit au cœur du projet de territoire. Elle y a toute sa place, puisque les espaces glaciaires et post glaciaires sont des atouts, comptant parmi les futurs piliers de l’attractivité et de la résilience des espaces de montagne, justifiant le volontarisme politique naissant. De plus, la valorisation — via la protection — de ces joyaux vacillants sera nécessaire pour surpasser la perte d’identité paysagère liée à la disparition progressive d’au moins 65 % des glaciers français8.