Obligation de démontage en fin d'exploitation des remontées mécaniques construites depuis 2016

La loi « de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne » a été définitivement adoptée le 22 décembre 2016 à l’Assemblée Nationale. Son article 19 I bis introduit dans le code de l’urbanisme des dispositions qui rendent obligatoire le démontage des remontées mécaniques abandonnées en fin d’exploitation.

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Installations Obsolètes

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 01 janv. 2017
Modifié le 09 avr. 2025

Ce que dit la loi

La loi Montagne 2 introduit deux nouveaux alinéas dans le code de l’urbanisme. Le premier concerne l’« obligation de démontage », et le second la « mise à l’arrêt définitive » des remontées mécaniques.

Le STRMTG (service technique des remontées mécaniques et des transport guidés1) et la DGALN/DHUP (direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature, direction de l'habitat de l'urbanisme et des paysages du ministère de l'environnement) ont publié le 2 septembre 2024 un « Guide d’application relatif aux Remontées Mécaniques et Tapis Roulants de Stations de Montagne – Procédures d’urbanisme à l’attention des Services Instructeurs d’Urbanisme. ». Ce guide détaille la signification technique des notions de « démontage » et « mise à l'arrêt définitive ».

Voici ce que disent exactement les textes :

OBLIGATION DE DÉMONTAGE

  • Article L472-2 du code de l'urbanisme (extrait) | « L’autorisation d’exécution des travaux est assortie d’une obligation de démontage des remontées mécaniques et de leurs constructions annexes, ainsi que de remise en état des sites. Ce démontage et cette remise en état doivent intervenir dans un délai de trois ans à compter de la mise à l’arrêt définitive de ces remontées mécaniques. »
  • Guide d'application du STRMTG-DGALN/DHUP (extrait) : «Un appareil est considéré comme démonté et le site remis en état lorsque :
    I
    l remplit tous les critères de la mise à l’arrêt définitive ; les pylônes et les gares sont démontés, sur l’intégralité de la ligne ainsi que les constructions annexes (est considérée comme construction annexe une construction qui a un lien fonctionnel avec la remontée mécanique, par exemple : un garage de cabines, une cabane abritant les armoires de puissance ou de contrôle-commande, etc.) ; les fondations qui dépassent sont arasées ou recouvertes. »

Puisque l’obligation de démontage est une condition qui accompagne la délivrance d’une autorisation de travaux, cet article ne s’applique qu’aux nouvelles remontées dont la construction a fait l’objet d’une autorisation administrative signée après l’entrée en vigueur de la loi le 1er août 2017. L’obligation de démontage ne s’applique donc pas aux remontées plus anciennes, encore en service ou déjà abandonnées. Compte tenu de la durée de vie normale d’une remontée mécanique (30 ans), il faudra attendre 2047 pour voir les démontages provoqués par l’application cet article.

MISE À L’ARRÊT DÉFINITIVE

  • Article L 472-4 du code de l'urbanisme (extrait) : « Lorsque des remontées mécaniques n’ont pas été exploitées durant cinq années consécutives, le représentant de l’État dans le département met en demeure l’exploitant de procéder à leur mise à l’arrêt définitive.
  • Guide d'application du STRMTG-DGALN/DHUP (extraits) :
    «
    Les mises en demeure de mettre une installation à l’arrêt définitif sont effectuées par les préfets. Ces mises en demeure sont adressées à tous les maires et le cas échéant exploitants concernés. » ;
    « Une installation est considérée comme mise à l’arrêt définitive dès lors que l’ensemble des opérations suivantes ont été réalisées : dépose du câble ; débranchement de l’alimentation électrique ; retrait des matières et matériaux polluants ou dangereux (carburants, huiles, batteries, composants hydrauliques divers, …) ; neutralisation des échelles permettant d’accéder aux pylônes. Ces opérations visent d’une part à conférer à l’arrêt de l’installation un caractère irréversible et d’autre part à prévenir les risques immédiats qu’une installation dégradée pourrait faire peser sur les tiers. »

Cet article comme il est rédigé concerne a priori toutes les remontées mécaniques, qu’elles soient déjà abandonnées, actuellement exploitées, ou à construire. Son champ d’application serait donc beaucoup plus vaste, il concerne notamment ce que Mountain Wilderness appelle les Installations Obsolètes. Certaines d'entre elles, bien qu'inexploitées depuis cinq ans et parfois beaucoup plus, n'ont pas fait l'objet d'une mise à l'arrêt au sens des critères techniques du STRMTG-DGALN/DHUP et peuvent présenter encore des risques pour le public et l'environnement.

Le guide du STRMTG-DGALN/DHUP indique également que la « mise en demeure de mise à l'arrêt définitive » est destinée autant aux maires qu'aux exploitants des remontées. Lorsqu'une remontée est abandonnée et que l'exploitant a disparu (faillite, cessation d'activité, etc.) la responsabilité de mise à l'arrêt reviendrait donc au maire -au titre de son pouvoir de police et de ses obligations en matière de sécurité des personnes et de l'environnement.

De notre point de vue, par son caractère définitif et irréversible, cette procédure présente l’avantage d’annihiler les espoirs de résurrection de remontées abandonnées depuis longtemps. Ces projets, généralement irréalistes, de remise en exploitation d’une remontée pour une activité de ski ou autre (vélo, parapente, luge…) sont souvent un frein puissant à la progression de l’idée du démontage, pourtant inévitable.

L’analyse de Mountain Wilderness

La présence de ces articles dans la nouvelle loi Montagne résulte d’amendements qui ont été directement suggérés à certains parlementaires par les associations de protection de la montagne. Sur le sujet particulier des remontées mécaniques obsolètes, notre association est en pointe : on peut ainsi se féliciter de cet « amendement Mountain Wilderness » !

Depuis le lancement de la campagne « Installations Obsolètes » en 2001 nous demandons que le démontage de ces aménagements abandonnés soit rendu obligatoire ; a minima que l’article 12 du protocole « Tourisme » de la Convention Alpine (signée par la France depuis 1991 !) soit enfin transcrit en droit opposable français : « Les nouvelles autorisations d'exploitation de remontées mécaniques ainsi que les concessions seront assujetties au démontage et à l'enlèvement des remontées mécaniques hors d'usage et à la re-naturalisation des surfaces inutilisées avec en priorité des espèces végétales d'origine locale. »

C’est plus ou moins cela que nous avons obtenu.

La loi ne concerne que les remontées mécaniques et ne crée pas d’obligation de démontage pour les aménagements déjà abandonnés : ce n’est donc pas la fin des « Installations Obsolètes », ni celle de notre campagne. Par contre c’est une étape importante : elle ouvre de nouveaux champs d’actions possibles, nécessaires, pour notre association.

L’entrée des Installations Obsolètes dans la loi entérine la prise de conscience que le démontage des aménagements abandonnés doit être une composante des politiques publiques concernant l’aménagement de la montagne. À l’avenir nous devrons nous efforcer de faire valoir l’esprit de la loi. Elle nous donne un argument supplémentaire pour convaincre les responsables (collectivité locales et autres institutions gestionnaires d’espaces naturels de montagne) de procéder au démontage des Installations Obsolètes existantes, même si elles ne sont pas soumises à l’obligation légale de démontage..

Les champs d'action pour Mountain Wilderness

Nous devrons être vigilants lors des prochaines autorisations de construction de remontées mécaniques. Obligés de prendre en compte dès la construction la réversibilité des aménagements, les constructeurs de remontées mécaniques s’orienteront-ils vers des installations présentant un impact réduit sur l’environnement ?

Lors du démantèlement des remontées mécaniques, il faudra faire valoir une interprétation large de la notion de « constructions annexes » : en réalité la plupart des aménagements d'un domaine skiable sont indissociables des remontées mécaniques. C'est le cas des installations de neige artificielle par exemple : il n'y a pas de canons à neige sans remontée !

Nous devrons agir pour que la « mise à l'arrêt définitive » des remontées mécaniques inexploitées, a minima, soit effectivement réalisée par les responsables, dans le conditions et les délais désormais prévus par la réglementation. En effet, grâce à notre inventaire des Installations Obsolètes, nous connaissons des remontées mécaniques abandonnées qui auraient du être « mises à l'arrêt » et ne le sont manifestement pas. Nous interpellerons les préfets concernés pour leur demander d'appliquer la loi.

Dans l'esprit de la loi, le démontage complet devrait être la suite inexorable de la « mise à l'arrêt définitive » d'une installation, y compris pour les remontées mécaniques antérieures à 2017 et non soumises à l'article L472-2 du code de l'urbanisme. Quitte à intervenir sur une remontée abandonnée pour retirer le câble et autres parties de l'installation visées par la « mise à l'arrêt définitive », autant tout enlever.

Le guide du STRMTG-DGALN/DHUP écrit lui aussi : « Ainsi, indépendamment de l’obligation de démontage (...) le titulaire du pouvoir de police pourrait finaliser la démarche de sécurisation initiée par la mise à l’arrêt définitive (...) en veillant à ce que des parties d’installations toujours en place à l’issue de la mise à l’arrêt définitive sont bien démontées. ». Une phrase au conditionnel dans un « guide d'application » n'est pas contraignante légalement. Elle montre cependant que l'interprétation de l'esprit de la loi par les services de l'Etat rejoint celle de Mountain Wilderness.

Ces quelques réflexions illustrent bien que démonter une installation obsolète ce n’est pas juste « nettoyer » la montagne, c’est mettre en pratique un aménagement réellement « durable » : où les espaces naturels ne sont pas une ressource jetable, où le présent ne condamne pas l’avenir.

  1. Organisme public chargé notamment de l'instruction technique des dossiers de construction de remontées mécaniques et des contrôles techniques et de sécurité des appareils.

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