Obligation de démontage en fin d'exploitation des remontées mécaniques construites depuis 2016

La loi « de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne » a été définitivement adoptée le 22 décembre 2016 à l’Assemblée Nationale. Son article 19 I bis introduit dans le code de l’urbanisme des dispositions qui rendent obligatoire le démontage des remontées mécaniques abandonnées en fin d’exploitation.

5 min de lecture
Installations Obsolètes

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 01 janv. 2017

Ce que dit la loi

Les décrets d’application à venir et probablement des circulaires ministérielles expliciteront les modalités concrètes d’application de la loi. Certains termes employés ne sont pas définis par la loi, mais existent déjà juridiquement dans le domaine des « installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE). C’est pourquoi, en attendant les décrets d’application, nous interprétons la loi en nous basant sur les procédures existantes pour les ICPE.

La loi Montagne 2 introduit deux nouveaux alinéas dans le code de l’urbanisme. Le premier concerne l’« obligation de démontage », et le second la « mise à l’arrêt définitive » des remontées mécaniques. Voici ce qu’ils disent exactement :

  • Obligation de démontage
    « L’autorisation d’exécution des travaux est assortie d’une obligation de démontage des remontées mécaniques et de leurs constructions annexes, ainsi que de remise en état des sites. Ce démontage et cette remise en état doivent intervenir dans un délai de trois ans à compter de la mise à l’arrêt définitive de ces remontées mécaniques. »

    Puisque l’obligation de démontage est une condition qui accompagne la délivrance d’une autorisation de travaux, cet article ne s’applique qu’aux nouvelles remontées dont la construction fera l’objet d’une autorisation administrative après l’entrée en vigueur de la loi. L’obligation de démontage ne s’applique donc pas aux remontées existantes, ou déjà abandonnées.

    La nature des travaux de démontage et remise en état sera a priori contractualisée au moment de la délivrance de l’autorisation. Compte tenu de la durée de vie normale d’une remontée mécanique (30 ans), il faudra attendre 2047 pour voir les démontages provoqués par l’application cet article.


  • Mise à l'arrêt définitive
    « Lorsque des remontées mécaniques n’ont pas été exploitées durant cinq années consécutives, le représentant de l’État dans le département met en demeure l’exploitant de procéder à leur mise à l’arrêt définitive. »

    Cet article comme il est rédigé concerne a priori toutes les remontées mécaniques, qu’elles soient déjà abandonnées, actuellement exploitées, ou à construire. Son champ d’application serait donc beaucoup plus vaste, il concerne notamment ce que Mountain Wilderness appelle les installations obsolètes.

    La « mise à l’arrêt définitive » si on se réfère aux ICPE, est une procédure à la fois administrative et technique. Elle consiste à supprimer les dangers pour l’environnement et le public. Dans le cas des remontées mécaniques abandonnées, on peut imaginer que la « mise à l’arrêt définitive » pourrait consister à retirer les matières et matériaux polluants ou dangereux (carburants, huiles, batteries, transformateurs, etc.).

    De notre point de vue, par son caractère définitif et irréversible, cette procédure présente l’avantage d’annihiler les espoirs de résurrection de remontées abandonnées depuis longtemps. Ces projets, généralement irréalistes, de remise en exploitation d’une remontée pour une activité de ski ou autre (vélo, parapente, luge…) sont souvent un frein puissant à la progression de l’idée du démontage, pourtant inévitable.

L’analyse de Mountain Wilderness

La présence de ces articles dans la nouvelle loi Montagne résulte d’amendements qui ont été directement suggérés à certains parlementaires par les associations de protection de la montagne. Sur le sujet particulier des remontées mécaniques obsolètes, notre association est en pointe par rapport à ses partenaires : on peut ainsi se féliciter de cet « amendement Mountain Wilderness » !

Depuis le lancement de la campagne « installations obsolètes » en 2001 nous demandons que le démontage de ces aménagements abandonnés soit rendu obligatoire ; a minima que l’article 12 du protocole « Tourisme » de la Convention Alpine (signée par la France depuis 1991 !) soit enfin transcrit en droit opposable français : « Les nouvelles autorisations d'exploitation de remontées mécaniques ainsi que les concessions seront assujetties au démontage et à l'enlèvement des remontées mécaniques hors d'usage et à la re-naturalisation des surfaces inutilisées avec en priorité des espèces végétales d'origine locale. »

C’est plus ou moins cela que nous avons obtenu.
La loi ne concerne que les remontées mécaniques et ne crée pas d’obligation de démontage pour les aménagements déjà abandonnés : ce n’est donc pas la fin des « installations obsolètes », ni celle de notre campagne. Par contre c’est une étape importante : elle ouvre de nouveaux champs d’actions possibles, nécessaires, pour notre association.

L’entrée des installations obsolètes dans la loi entérine la prise de conscience que le démontage des aménagements abandonnés doit être une composante des politiques publiques concernant l’aménagement de la montagne. A l’avenir nous devrons nous efforcer de faire valoir l’esprit de la loi. Elle nous donne un argument supplémentaire pour convaincre les responsables (collectivité locales et autres institutions gestionnaires d’espaces naturels de montagne) de procéder au démontage des installations obsolètes existantes, même si elles ne sont pas soumises à l’obligation légale de démontage.

Par ailleurs, nous devrons être vigilants sur les garanties de démontage qui seront contractualisées lors des prochaines autorisations de construction de remontées mécaniques. Obligés de prendre en compte dès la construction la réversibilité des aménagements, les constructeurs de remontées mécaniques s’orienteront-ils vers des installations présentant un impact réduit sur l’environnement ?

Ces quelques réflexions illustrent bien que démonter une installation obsolète ce n’est pas juste « nettoyer » la montagne, c’est mettre en pratique un aménagement réellement « durable » : où les espaces naturels ne sont pas une ressource jetable, où le présent ne condamne pas l’avenir.

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