Appliquer la loi : un scandale pour les motoneigistes ?

Depuis sa fondation, Mountain Wilderness milite contre les loisirs motorisés en montagne pour préserver les espaces naturels, conduisant à des avancées législatives et des condamnations judiciaires. Retour sur nos actions récentes pour faire appliquer la loi concernant les motoneiges.

2 min de lecture
Loisirs motorisés

Écrit par Vincent Neirinck, expert protection de la montagne

Publié le 14 nov. 2024

Un combat de longue haleine pour Mountain Wilderness

Dès la création de notre association, la question des loisirs motorisés et de leurs impacts sur la montagne a été au cœur des préoccupations de Mountain Wilderness.

Ainsi, nos thèses fondatrices, les Thèses de Biella, réclamaient déjà en 1987 que soient « mis sur pieds des projets de lois concernant la réglementation rigoureuse du trafic motorisé en montagne (avions et hélicoptères, 4x4 et trials, scooters1, ULM…), accompagnées de moyens de contrôle et de sanctions adéquates. »

Que dit la loi ?

En France, la circulation des véhicules terrestres à moteur dans les espaces naturels est régie par la loi n° 91-2 du 3 janvier 1991 codifiée aux articles L.362-1 à L.362-8 du Code de l’environnement.

Trois motivations principales ont prévalu au vote de cette loi qui interdit la pratique du tout-terrain motorisé en dehors des voies et chemins :

  1. La protection des espaces naturels et les troubles causés aux autres utilisateurs du milieu (agriculteurs, résidents, randonneurs) ;
  2. La volonté de moraliser la fréquentation de la nature ;
  3. Le fondement essentiel de cette interdiction est cependant la protection des espaces naturels, reconnue d'intérêt général par la loi de 1976 sur la protection de la nature. En effet, la pratique non réglementée du tout-terrain motorisé s'oppose à la conservation des milieux, à la préservation d'espèces animales et végétales et de manière générale à la protection des espaces naturels et des paysages.

La sensibilité particulière des espaces (et des espèces) de montagne en hiver a conduit à ce que l’article 3 de cette loi stipule que « l'utilisation, à des fins de loisirs, d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite », sauf sur les terrains spécifiquement dédiés, répondant à des conditions strictes que nous avons d’ailleurs eu l’occasion de faire préciser par la justice.

« L'utilisation, à des fins de loisirs, d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige est interdite. »

Article L362-3 du Code de l'environnement

Quand loi et autorisations de maires se contredisent... la loi prévaut !

Récemment, les condamnations des opérateurs de motoneiges à Chamrousse, en première instance et en appel2, ont fortement marqué les esprits : la confiscation des motoneiges incriminées, et les peines d’amendes infligées, répondaient enfin à notre demande de « sanctions adéquates. » 

Dans cette affaire, le juge pénal a été amené à apprécier la légalité d'une autorisation délivrée par le maire de la commune en décembre 2000 ouvrant à ces opérateurs la possibilité d'utiliser leurs motoneiges sur le domaine skiable, sous réserve de baliser ce circuit (9 km de long et 6 km de large). Le tribunal a jugé que l’arrêté délivré par le maire est illégal au regard de l'interprétation très claire de la jurisprudence de la notion de “terrain” et a condamné les motoneigistes.

Comment faire appliquer la loi sur les loisirs motorisés ?

Forts de ces résultats, nous avons fait le tour des préfectures de montagne pour inciter les représentants de l’État dans les départements à traiter la question. En particulier dans les Hautes-Alpes, nous avons pu, en compagnie de la Société Alpine de Protection de la Nature-FNE05, rencontrer le préfet et ses services pour lui faire part de notre analyse de la situation dans son département.

Nos arguments ont été entendus : le préfet a écrit aux maires des stations du département pour leur rappeler que ces pratiques étaient interdites3 et que « seules des missions de service public, à des fins de recherche, d'exploitation ou d'entretien des espaces naturels, ou par des propriétaires sur leurs terrains privés (à l'exclusion d'une utilisation à des fins de loisirs), peuvent faire l'objet de dérogation. » 

De ce fait, un certain nombre de maires n’ont pas renouvelé les autorisations d’exploitation aux motoneigistes… qui ont donc manifesté leur mécontentement en organisant une manifestation (non déclarée) dans les rues de Gap, le 19 septembre dernier.

Dura lex, sed lex, mais c’est tant mieux pour la tranquillité de nos montagnes !

  1. On écrirait aujourd’hui « motoneiges »
  2. Montagnes Mag, 20 septembre 2023 « Motoneiges à Chamrousse : la justice confirme l'illégalité des balades proposées »
  3. Y compris avec des véhicules à propulsion électrique.
  4. Traduction : La loi est dure mais c'est la loi.

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