L'Appel pour nos montagnes : Ouvrir le champ des possibles !
Le 9 décembre 2011, à l’occasion de la journée internationale de l’ONU pour la montagne, plus de 130 personnalités de tous horizons ont uni leur voix pour porter un appel pour nos montagnes. Sur la base d’un texte court et simple, partagé à l'occasion d’une conférence de presse, l’ambition de cet appel était d’alerter sur les menaces pesant sur le milieu montagnard, d'interpeller sur la question de l’intérêt général et de rappeler l’importance d’une montagne sauvage et préservée. Porteur d’espoir, l’ambition de cet appel était d’ouvrir le champ des possibles, de tourner la page d’une nouvelle histoire, où les intérêts financiers seraient remplacés par le respect des besoins essentiels que sont le temps, le silence, la sérénité, la beauté pour continuer à penser, à imaginer, à rêver…
Dans le prolongement des Assises de l’alpinisme qui se sont tenues en avril 2011 à Chamonix, à l’initiative de Mountain Wilderness, de la délégation française de la Commission internationale pour la protection des Alpes (CIPRA France) et de la Fédération nationale pour le développement des sports et du tourisme en montagne (ANCEF), une quarantaine de personnes se sont réunies en juin 2011 au refuge du Promontoire, au cœur du Parc national des Écrins, pour s’accorder autour d’un texte : « l’Appel pour nos montagnes ». Depuis, plus de 130 personnalités de tous horizons se sont appropriées cet appel : alpinistes, grimpeurs, skieurs, professionnels de la montagne, députés, élus de régions, maires de grandes villes ou de villages, chefs d’entreprise ou encore journalistes.
Remettre au centre la question de l’intérêt général
Partant de constats partagés sur les menaces qui pèsent sur le milieu montagnard, que ce soit l’envolée des prix du foncier et de l’immobilier, la construction de toujours plus de lits “froids” (c’est-à-dire vides la majeure partie de l’année) en particulier en station, les pratiques d’aménagements et d’infrastructures qui réduisent toujours plus les espaces sauvages et gratuits, et la chute de la biodiversité, le groupe a voulu remettre au centre la question de l’intérêt général. Car les conséquences de ces menaces ont un impact direct sur les activités de celles et ceux qui vivent en montagne, de celles et ceux qui en vivent et de celles et ceux qui y sont accueillis. A l’heure où la variable neige est toujours plus incertaine, il est temps d’arrêter d’exploiter toujours plus et toujours plus vite un territoire limité, et d’éviter les installations lourdes qui seront demain des friches à la charge des communes, défigurant les paysages, si précieux à l’expérience de la montagne.
« Il faut trouver le moyen d’être en association et en co-évolution avec le milieu dans lequel on est »
Pour Patrick Gabarrou, guide de haute montagne, « on a retiré complètement la dimension poétique de la montagne. On se retrouve dans une sorte d’immense hypermarché de la neige, où il n’y a pas de place pour le rêve, plus de place pour la poésie. [...] ce qui fait profondément l’attrait de la montagne, ce qui peut apporter à l’être, à celui qui la découvre, de manière très, très simple, c’est autre chose. » L’’illusion de l’immédiateté et du factice de nos modes de consommation ne fait pas exception dans les milieux montagnards, mais elle sera tôt ou tard rattrapée par la réalité de la finitude des ressources. Comme le résume Isabelle Autissier, navigatrice investie dans la protection des milieux maritimes qui a rejoint l’Appel, « les endroits où l’on aura su, pu, préserver le capital de ressources d’eau, d’air, de biodiversité, ce sont les endroits qui seront à même de faire face aux défis de demain… La planète n’est plus comme avant, elle ne sera jamais plus comme avant, il faut trouver le moyen d’être en association et en coévolution avec le milieu dans lequel on est. On ne va pas continuer à se développer avec le modèle qu’on a aujourd’hui. Tous les endroits préservés nous donnent de vraies armes [...]. »
Ne plus parler de “la” montagne, mais “des” montagnes !
Interrogeant ce qui est source d’attraction dans l’expérience de la montagne, le texte de « l’Appel pour nos montagnes » rappelle qu’on y trouve des éléments essentiels à la vie : de l’air, de l’eau, de l’espace, mais aussi du temps et du silence, pour s’évader, rêver, se réinventer. Pour Pierre Léna, on doit sauver la montagne « parce qu’elle fait partie de ces expériences humains fondamentales » qui sont des « éléments essentiels dans la construction de chacun ». A l’encontre de l’image standardisée renvoyée par les publicitaires, le texte de l’Appel suggère de ne plus parler de “la” montagne, mais “des” montagnes : quoi de plus différent et varié que les paysages de montagne, ainsi que les populations et activités qui les ont façonnés ? La diversité de nos montagnes est autant géographique que biologique, culturelle, ou encore économique : elle en est la richesse majeure, le terreau de leur avenir. Dans cette optique, la Convention Alpine, traité international visant un développement soutenable dans les Alpes et réunissant plus de 300 communes membres à travers l’arc alpin, s’engage dans l‘objectif d’optimiser la qualité de vie des espaces alpins, dans le respect de leurs équilibres et dynamiques spécifiques. L’Europe, plutôt qu’accélérateur de la destruction, peut s’avérer source d’inspiration pour découvrir et partager les démarches d’adaptation réussie.
Cet Appel a par la suite était signé par 8000 citoyens.nes.