Glacier du Tour © Clément Valla

Protection des glaciers. Un an après les annonces d'Emmanuel Macron, quel bilan ?

L'année 2024 aurait pu marquer un tournant dans la protection des glaciers et des marges proglaciaires si les annonces égrénées par Macron fin 2023 et son gouvernement avaient été suivies d'effets. Un an après ce chapelet d'annonces, qu'en est-il vraiment ?

8 min de lecture
Espaces protégés

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 10 déc. 2024

Un nouveau bilan alarmant pour les glaciers

Cette année encore, le bilan est catastrophique pour les glaciers. Dans les Alpes comme dans les Pyrénées, ils continuent leur agonie : les glaciers suisses ont perdu 2,4 % de leur volume en 20241, et les glaciers pyrénéens ont perdu 40 % de leur surface entre 2020 et 20232. Si le bilan de masse des glaciers des alpes françaises mesuré dans le cadre du projet GLACIOCLIM n'est pas encore paru, il y a fort à parier qu'il ne sera pas plus reluisant, car comme l'écrit Météo France dans l'introduction de la Trajectoire de Réchauffement de référence pour l’Adaptation au Changement Climatique : « L’urgence climatique est là ! »

Il est par ailleurs nécessaire de replacer ces données annuelles dans leur contexte : les glaciers en question fondent depuis la fin du XXè siècle, et le rythme de cette fonte accélère depuis 20033. Une seule action est en mesure de remédier à ce constat alarmant : la baisse drastique et immédiate de nos émissions de gaz à effet de serre. Parallèlement, le sujet de la protection des glaciers émerge lentement. Cette ambition - affichée par le gouvernement français - ne permettra pas de sauvegarder les glaciers en tant qu'entité physique et paysagère. Elle pourra en revanche assurer la préservation de leur valeur patrimoniale et de "l'esprit des lieux", et surtout permettre la conservation des écosystèmes post-glaciaires qui succèderont aux glaciers4.

Des annonces prometteuses en novembre 2023...

Alors  que seulement 60 % d'entre eux sont d'ores et déjà sous protection forte, l'automne 2023 a marqué un tournant dans la protection des glaciers et des marges proglaciaires dans la mesure où l'exécutif français a multiplié les annonces sur le sujet.

  • Le 10 novembre 2023, lors de son discours de clôture du One Planet – Polar Summit, Emmanuel Macron a souhaité « que nous puissions lancer la concertation qui nous permettra d’avoir la totalité de nos glaciers en protection forte ».
  • Le 27 novembre 2023, le gouvernement a repris cette ambition en dévoilant la troisième stratégie nationale biodiversité (SNB 3), qui fixe l'échéance pour la protection forte de 100 % des glaciers français à 2030, et dans laquelle la volonté de protection forte est élargie pour s'appliquer également aux écosystèmes émergeant du retrait glaciaire5. Le gouvernement s'est alors engagé à déployer l’initiative « Territoires et biodiversité postglaciaires » et à accompagner les territoires concernés en élaborant des pactes territoriaux, dont le premier aurait dû être conclu « dès 2024 ».
  • Le 19 décembre 2023, en répondant au sénateur Guillaume Gontard qui lui proposait « de faire de la protection forte du glacier de la Girose le premier acte de la mise en œuvre de la volonté présidentielle », le gouvernement a reconnu que « l'urgence [était] à la mobilisation collective et au développement d'une connaissance systémique des glaciers » et a détaillé les modalités de l’action gouvernementale à venir, c'est à dire le lancement imminent d'« une initiative co-pilotée par les préfets de région et les présidents de région concernés, ancrée dans les territoires pour que chacun s’approprie les enjeux de ces nouveaux espaces à haute valeur ajoutée de biodiversité. » L'accompagnement des élus locaux devait alors être au cœur de cette initiative6.

Précédemment, la France s'était engagée à protéger 30 % du territoire terrestre métropolitain, dont 10 % sous protection forte, dans le cadre de la Stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP 2030). 

De son côté, en décembre 2022, l'Assemblée générale des Nations Unies avait déclaré 2025 comme l'Année Internationale de la Préservation des Glaciers, et proclamé le 21 mars de chaque année comme la Journée mondiale des Glaciers à partir de 2025. L'ensemble de ces initiatives ont contribué à créer un contexte politique favorable à la préservation des glaciers.

A l'ombre des glaciers alpins
A l'ombre des glaciers alpins
A l'ombre des glaciers alpins
A l'ombre des glaciers alpins
A l'ombre des glaciers alpins

Un décalage entre les paroles et les actes

Mountain Wilderness est engagée en faveur des espaces de montagne insuffisamment protégés, dont les glaciers font évidemment partie. L'association s'est donc appuyée sur ce contexte favorable dans son travail avec les services de l'état (DREAL, DDT) chargés de la mise en œuvre des différentes stratégies (SNAP 2030 et SNB 3) et avec les élus locaux. Dans le cadre de la controverse du glacier de la Girose7, nous avons également encouragé la préfecture des Hautes-Alpes et le Ministère de l'Environnement à « accompagner les élus dans la coconstruction de la protection [de ce glacier] avec l’ensemble des citoyens et des acteurs », conformément à ses promesses.

D'autres associations (dont marge sauvage nouvellement créée) se sont également saisies de ces engagements pour approcher les élus locaux sensibles à la question de la protection des glaciers. Cette initiative a été couronnée de succès puisqu'elle a débouché - entre autres - sur la création du festival "Agir pour les glaciers" qui se tiendra au printemps prochain en Haute-Tarentaise.

Cette absence de leadership de l’État au sujet de l'Année Internationale de la Préservation des Glaciers n'a pas conduit le seul monde associatif à vouloir marquer le coup : diverses des institutions du monde de la recherche s'organisent en ce moment même pour célébrer 2025 à leur manière, regrettant toutefois que les annonces concernant le financement de la recherche en cryosphère n'aient à ce jour pas été suivies d'effets.

De son côté, le gouvernement est malheureusement resté au stade des annonces, sans pour autant honorer ses promesses. La premier pacte territorial - quoi que ce nouvel outil renferme - annoncé pour 2024 n'a pas été conclu, et l'ancrage territorial indispensable à la réalisation des objectifs fixés est inexistant.

Pire, les déclarations des ministres de l'environnement successifs ont parfois été émaillés par la présence de contre vérités pouvant nuire à l'objectif de protection des glaciers. À titre d'exemple, Agnès Pannier Runacher a déclaré au sujet de l'action ministérielle en faveur des glaciers que « [son] travail a consisté à définir ce qu’était une protection forte [dont] nous n’avons pas aujourd’hui de reconnaissance dans le droit » et que « les parties que l’on a vocation à protéger sont celles qui ne sont pas déjà artificialisées »8. La ministre se trompe, oubliant que la notion de protection forte est définie dans le droit français depuis deux ans déjà : il s'agit des espaces où « les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d'une protection foncière ou d'une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées »9. Qui plus est, en excluant les glaciers artificialisés de la liste des espaces à protéger, la ministre s'éloigne petit à petit de l'objectif initial de 100 % des glaciers sous protection forte.

Une rencontre au sommet prometteuse ?

Un an après les annonces présidentielles, la ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques s'est rendue à Chamonix pour « annoncer trois mesures structurantes pour l'avenir de nos montagnes et de nos glaciers »10 :

  • Un nouveau plan de prévention des risques glaciaires et périglaciaires ;
  • Des mesures fortes de protection des glaciers et écosystèmes post-glaciaires;
  • Un renforcement du soutien aux territoires montagneux, notamment dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) et dans la continuité du Plan Avenir Montagnes.

Ainsi, bien que les risques naturels aient une place prépondérante dans le discours de la ministre, Fiona Mille était présente aux côtés d'Agnès Pannier-Runacher afin d'évoquer les enjeux de protection des glaciers et d'habitabilité des territoires de montagne

« En plus d'être des clés de voute de nos écosystèmes montagnards, pour reprendre les propos de Jean-Baptiste Bosson, les glaciers sont les témoins d'un monde en pleine bascule. Ils sont telle une horloge du temps qui passe et nous rappelle que la trajectoire d'un monde à +4°C, +8°C dans nos montagnes, n'est pas vivable. Rappelons que préserver nos glaciers, c'est avant tout changer nos manières de vivre. »

Avec le glaciologue Jean-Baptiste Bosson, ils ont pu défendre l'intérêt de considérer les glaciers autrement que sous le seul prisme des risques naturels, et la nécessité de disposer de moyens et d'un accompagnement des territoires pour ce faire. Fiona a également pu aborder la controverse qui entoure les projets d'aménagement du glacier de la Girose, et rappeler à la ministre ses engagements relatifs à l'organisation d'une concertation sur le territoire.

« L'attention que nous portons à nos glaciers est le reflet de l'attention portée à nos montagnes et à nos écosystèmes naturels. 2025 sera l'année internationale de protection des glaciers. La France se doit d'être exemplaire dans la protection et son approche sensible des glaciers et des montagnes. Nous avons un beau défi devant nous et nul doute qu'il puisse être fédérateur ! »

Conclusion

Ainsi, malgré les annonces prometteuses et le contexte politique favorable à la préservation de nos géants de glace, l'essentiel reste à créer. En attendant des actes forts de la part de l’État, tous.tes peuvent mettre la main à la pâte : chaque effort individuel vers la réduction de nos émission compte pour stabiliser/inverser la courbe des température et donc protéger ce qui reste de nos glaciers dans les Alpes. De la même manière, si le sujet vous intéresse, vous pouvez rejoignez le groupe de travail "Espaces protégés" et solliciter vos élus locaux concernés par la protection des glaciers.

  1. Annual mass balance on Swiss glaciers in 2024
  2. Izagirre, E., Revuelto, J., Vidaller, I. et al. Pyrenean glaciers are disappearing fast: state of the glaciers after the extreme mass losses in 2022 and 2023. Reg Environ Change 24, 172 (2024).
  3. Article AFP
  4. Voir à ce sujet les travaux de Jean-Baptiste Bosson dans le cadre du projet Ice&Life porté par l'association Asters et l'association marge sauvage.
  5. L'action 11 de la SNB a pour objectif de "renforcer la protection des écosystèmes glaciaires et émergeant du retrait glaciaire."
  6. Sénat, séance publique - 19 décembre 2023
  7. Classement du glacier de la Girose ; Retour sur l'historique du T3 de La Grave
  8. Le Dauphiné Libéré - 20 novembre 2024
  9. Décret n° 2022-527 du 12 avril 2022 pris en application de l'article L.110-4 du code de l'environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte.
  10. Le compte rendu de la rencontre sur le site du Ministère

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