Quelle stratégie pour le devenir des activités touristiques de l’Ain ?

C’est la question posée aux chargés de mission Tourisme ainsi qu’aux gestionnaires de stations de ski du département, lors d’un séminaire organisé dans le cadre du Plan Avenir Montagne Ingénierie les 8 et 9 avril 2024. Mountain Wilderness a répondu présente pour appuyer le département de l’Ain à l’animation du séminaire, à la suite des États généraux de la transition du tourisme organisés en 2021. Le département de l’Ain finance via sa stratégie Montagnes de l’Ain des projets portés par des acteurs du tourisme qui souhaitent diversifier leur activité et mettre en valeur les atouts du territoire.

7 min de lecture
Ain
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Transition
Tourisme

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 02 mai 2024

Mais avant de penser prospective, encore faut-il avoir bien en tête les multiples conséquences en cascade du changement climatique et de l’extinction de la biodiversité sur les activités touristiques existantes au sein des montagnes du Haut-Bugey, le Plateau du Retord et le Haut-Jura. Pour donner une acculturation commune à l’ensemble des territoires, Mountain Wilderness a animé une Fresque de la Montagne appuyée par Maëlys Bernot qui a intégré aux contenus scientifiques de l’atelier les données des plans climats air énergie locaux.

Les montagnes de l’Ain ont de très nombreux attraits paysagers

Relativement peu aménagées, on y découvre des tourbières, des lacs, des prairies d’altitude, des hêtraies sapinières, dont beaucoup sont labellisés en espaces naturels sensibles ou sont des sites Natura 2000. C’est autour de cette nature de moyenne de montagne que se sont développés les sports de nature, le ski nordique et le ski alpin sur des petites stations. Avec les apports scientifiques de la Fresque de la montagne, les différents participants ont pu mesurer la vulnérabilité de ces activités humaines face aux effets de la hausse des températures :

  • Une dégradation de la qualité et de la quantité de l’eau dans les rivières et les lacs, compromettant la pratique d’activités d’eaux vives ou de baignade
  • La fermeture de massifs forestiers avec l’augmentation de l’évapotranspiration et par conséquence l’élévation du niveau de risque d’incendie ;
  • La diminution des fenêtres de froid météorologiques pour produire de la neige artificielle (un peu plus de 4 jours à -2°C, d’après l’ORECC) qui compromettent le retour sur investissement en canons à neige, dameuses et matériel de ski de location
  • La fragilisation de l’élevage de montagne et de la production fromagère provoquée par la sècheresse des sols ;
  • La production d’hydro-électricité avec l’accentuation des étiages estivaux.

Accompagner le changement de modèle touristique

Tout l’enjeu pour Mountain Wilderness a ensuite été de lancer une réflexion sur ce qui serait à conserver, à modifier ou à abandonner en termes de positionnement clientèle et d’offres d’activités touristiques. En effet, le positionnement marketing commun à chacune des destinations de l’Ain (Haut Bugey, Retord ou Haut-Jura) est la mise en avant des activités de pleine nature, pour beaucoup sportives, en famille. Le VTT, la randonnée, la cours d’orientation, les sports d’eaux vives, le ski de fond ou les raquettes sont particulièrement mis en avant. Or, toutes ces activités sont vulnérables aux effets du changement climatique pour les deux saisons : hiver / été. Le développement de nouvelles offres d’hébergement touristique est aujourd’hui limité par le manque d’eau par exemple.

Enfin si l’on songe à la remontée de la limite pluie-neige, ou aux fortes chaleurs, les différentes activités de pleine nature échappent difficilement aux conditions météorologiques. À l’inverse, les activités d’intérieur comme la visite de lieux culturels et patrimoniaux, la restauration, la visite de sites de production de produits locaux, ou encore la médiation scientifique et naturaliste en intérieur, offrent des alternatives en cas de pluie, canicule, fermeture de massif forestier ou interdiction de baignade.

Faire évoluer la communication à l’attention des visiteurs

Dès lors, plusieurs besoins émergent pour les collectivités, parmi lesquels celui d’adopter une communication en temps réel des conditions propices aux activités Outdoor. De nouveaux profils de saisonniers pourraient voir le jour avec des compétences en community management, mais aussi comme cela se développe dans tous les massifs, des médiateurs et des éco-gardes pour informer et éduquer à l’environnement sur le terrain. À l’inverse, certains postes saisonniers pourraient être annualisés, comme l’entretien des sentiers, du balisage, des salles hors-sac. En effet, cet entretien sera nécessité par l’extension de la durée des pratiques sportives en nature aussi bien par les locaux que les excursionnistes de la Région.

Il appartient également aux collectivités d’analyser les usages potentiels des bâtiments pour faire évoluer les délégations de services publiques et l’orientation de leur usage. Ainsi, la proposition de lieux où peuvent se mélanger plusieurs activités permet également de renforcer l’attractivité quatre saisons. Par exemple, une offre de restauration à côté d’un sentier découverte avec point de vue, ou une offre en salle d’activités pédagogiques sur les milieux naturels environnement, l’histoire locale, l’artisanat ou la mémoire des lieux.

Enfin, le marketing des Offices de tourisme doit s’adapter pour bien orienter les visiteurs. Il conviendra par exemple de cesser de promouvoir la découverte des cascades de la région en été quand il n’y a plus d’eau et la proposer au printemps ou à l’automne ; également, proposer de venir faire des courts séjours sportifs ou contemplatifs quand les couleurs de la forêt sont si belles et diminuer l’effort de communication en hiver car la neige devient très aléatoire.

Après deux jours de débats nourris, il appartient à présent au Département de l’Ain d’intégrer à ses critères de financement, la vulnérabilité ou la résilience des projets touristiques à l’ensemble des effets du changement climatique.

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