© Nacho Grez Photography

Rapport Moral 2024 de la Présidente de Mountain Wilderness

En 2024, face à un dérèglement climatique de plus en plus marqué, Mountain Wilderness a vu émerger de nombreuses mobilisations citoyennes pour préserver nos montagnes et encourager des pratiques durables. Malgré les défis, un changement vers une montagne plus sobre et respectueuse de son écosystème se dessine, soutenu par des initiatives locales et la concertation « Montagnes 2030 ».

5 min de lecture
Vie associative

Écrit par Fiona Mille, Présidente

Publié le 26 mars 2025

Impact du dérèglement climatique sur les montagnes françaises et internationales

Pour mon rapport moral cette année, j’aimerais vous partager ce que j’ai ressenti en 2024. Une année qui, je trouve, a été particulièrement difficile, car marquée par une nouvelle étape franchie en matière de dérèglement climatique. Une année éprouvante mais aussi résolument stimulante et riche, notamment grâce aux nombreuses énergies humaines déployées au sein de Mountain Wilderness et au-delà.

Quand je pense à 2024, je pense à la montagne et à ses habitants, humains et non humains, qui ont souffert. Je pense à la destruction du hameau de la Bérarde dans lequel le Conseil d’Administration s’était retrouvé pour un très beau moment convivial quelques jours avant les ravages dans les Écrins. À la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales qui impacte les pâturages, l’agriculture, les forêts mais aussi les habitants qui se retrouvent à être approvisionnés en bouteilles plastiques faute d’avoir de l’eau coulant du robinet. Les fortes chaleurs se font aussi fortement sentir dans le Jura où le taux de mortalité des épicéas et des sapins a doublé en à peine dix ans par manque d’eau et prolifération du scolyte. Évidemment, je pense à nos géants de glace qui disparaissent et aux impacts sur les écosystèmes naturels et les populations. Rappelons-nous la dévastation du village de Thame au Népal en août derniersuite à la rupture du lac glaciaire de Tyanbo. L’année internationale de préservation des glaciers se doit d’être à la hauteur des enjeux.

Des évènements impactants de plus en plus réguliers pour nos montagnes. Puisque l’inédit devient la norme.

L’organisation météorologique mondiale, l’OMM, a confirmé que 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée avec une température supérieure d’environ 1,55°C aux valeurs préindustrielle. En 2024, nous avons déjà atteint la limite que nous nous étions fixée lors de l’Accord de Paris en 2016.

C’est évident, nous n’arrivons pas à enclencher le virage nécessaire.

Changement climatique et mobilisations citoyennes dans les montagnes françaises

L’année 2024 a donc été marquante pour moi, et sûrement pour chacun d’entre nous. Par sa lourdeur, sa pesanteur. Fatigués de se rendre compte de notre incapacité collective à prendre notre destin en main. A dépasser nos clivages, nos postures, nos égos, à aller au-delà de notre zone de confort. Dans nos territoires, là où les effets du changement climatique sont visibles à l’œil nu, l’ambition de transformation se fait attendre. Alors que nous sommes à un point de bascule, certains reculent et se tournent encore vers des pratiques dépassées. Je pense par exemple aux investissements records dans les remontées mécaniques cette année (+500 millions d’euros investis) ou à la promesse de fêter les derniers jeux d’hiver dans les Alpes.

À regarder la situation dans son ensemble, la société semble de plus en plus hors sol, déconnectée, dépassée.

Mais le diable se cache dans les détails, dans les interstices, et ce sont ces interstices qui m’intéressent.

On y retrouve la force des collectifs citoyens qui font bouger les lignes comme dans le Vercors, l’Oisans ou dans les Hautes-Alpes où des mobilisations pour une montagne vivante et préservée viennent rendre obsolètes des aménagements de grande ampleur.

Dans ces interstices, naissent aussi des désirs individuels d’un autre rapport à la montagne, à la vie, plus sobre, plus authentique, mais toujours aussi intense. Loin d’une montagne aux hôtels 5 étoiles et pistes synthétiques, des initiatives émergent et se développent dans l’ensemble de nos massifs pour vivre à l’année en montagne dans le respect des équilibres naturels. Des initiatives associatives, citoyennes, entrepreneuriales, qui font revivre les villages, les champs, les colonies de vacances et nécessitent d’être valorisées, soutenues et encouragées. La grande concertation « Montagnes 2030 » lancée début 2025 par Mountain Wilderness, et ayant recueilli déjà 360 000 participations, vise à accélérer cette dynamique positive et vitale pour nos territoires.

Mobilité douce et préservation des montagnes françaises face à l'industrialisation

Concernant les pratiques, « Changer d’Approche » n’est plus une fantaisie de quelques-uns. Les attentes en matière de mobilité douce sont énormes, en témoignent les retours très positifs des clubs concernant le kit changer d’approche mais aussi la multiplication de sorties sans voiture et de séjours lents et immersifs dans nos massifs. À l’impératif du « toujours plus » et du « toujours plus vite », une bascule est en train de s’opérer vers du « moins mais mieux » où la montagne redevient écosystème, et non plus paysage à selfie.

Certains rêvent encore de montée en gamme, de chalets grandioses et de piscines chauffées au sommet. Mais les montagnes ne sont plus à vendre et les folies de marchandisation touchent leurs limites. Les oppositions locales sont de plus en plus fortes, les recours en justice également et notre voix est de plus en plus entendue au sein des SCoT et autres espaces de concertation. Le groupe de travail aménagement compte désormais 60 bénévoles de toute la France et je vous invite à les rejoindre.

Pour toutes ces raisons, je suis convaincue du rôle que peut jouer notre association et sa raison d’être dans la situation critique dans laquelle l’humanité se trouve. Ce n'est pas juste un « job » ou un « passe-temps » bénévole que de s'engager pour faire cohabiter montagne sauvage et montagne à vivre ; que de réapprendre à habiter notre écosystème terre, c'est une question de dignité. C’est s'engager pour s'autoriser et autoriser les autres à avoir un avenir.

En 2004, François Labande concluait son essai « Sauver la montagne » par ces mots que je souhaite vous lire : « Il est primordial de provoquer un nouveau déclic, de renforcer la prise de conscience, un appel à l’engagement de chacun. Car le contexte économique mondial de l’heure, qui favorise le néo-libéralisme, porte en lui de lourdes menaces à l’encontre des équilibres fondamentaux, que ce soit pour une nature d’autant plus fragile que son altitude est élevée, ou sur les structures sociales de l’espace montagnard, jadis fondées sur la solidarité. Face à ces menaces, alpinistes de passage et habitants des vallées de tous les massifs de la planète peuvent s’unir et trouver dans la force de leur engagement les moyens de préserver pour l’avenir et pour leurs petits-enfants la qualité d’une authentique montagne à vivre. »

20 ans après ces mots ont gardé toute leur pertinence et leur force.

En ton honneur François, et en celui du combat que tu as mené toute ta vie, tu peux compter sur nous pour continuer à faire vivre l’esprit de Mountain Wilderness et à développer l’association qui a tant compté pour toi.

Nous continuerons de nous engager pour sauver les montagnes.

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