La Meije

Petit retour sur l'historique de la mobilisation contre le T3 de la Grave

Aux pieds de la reine Meije, La Grave fait l’objet d’un projet de construction d’un 3e tronçon de téléphérique sur le glacier de la Girose, porté par la mairie et confié à la Société d’Aménagements Touristique de La Grave (SATG). Début 2020, un collectif d’habitants « La Grave Autrement » (LGA) se mobilise « pour penser à une solution alternative concernant l’avenir du domaine de haute montagne de La Grave », un projet qui serait adapté aux enjeux climatiques et aux besoins du territoire de la Haute Romanche. Ces ambitions sont partagées par Mountain Wilderness qui, sur la demande du collectif, apporte son soutien sur le plan juridique et en mettant à disposition son audience pour porter la voix de La Grave ...autrement. Dans un contexte actuel d’une préoccupation grandissante pour l’avenir de nos glaciers, la mobilisation contre le T3 s’amplifie. Retour sur l’historique de ce dossier.

8 min de lecture
Hautes-Alpes
Écrins
Aménagement
Tourisme
Transition

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 18 oct. 2023

Pour un projet de développement alternatif à la Grave

Dès 2018, Mountain Wilderness œuvre du côté institutionnel pour contrer ce projet d’unité touristique nouvelle. Nos interventions en Comité de Massif conduisent à ce que le Schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Briançonnais exclue alors la liaison avec les Deux Alpes et « tout aménagement du site skiable ». Le projet de restaurant panoramique au sommet du téléphérique sera lui aussi retoqué, car, comme nous le demandions « La Grave doit garder sa spécificité de site « sauvage » ». Le projet actuel de T3, nouvel aménagement significatif, reste cependant inscrit au SCoT comme « Unité touristique nouvelle structurante ». Il traversera le glacier de la Girose en diagonale, un nouveau parcours par rapport à celui de l’ancien téléski, et exigera la construction d’une nouvelle gare de départ et surtout d’une gare d’arrivée et d’un pylône de 27 mètres de haut implantés dans un site vierge, accueillant une biodiversité rare et fragile.

Nos inquiétudes à cette époque sont importantes ; elles nous amènent à rencontrer à plusieurs reprises l’ancien maire de La Grave pour obtenir des garanties quant au maintien de ce qui fait l’esprit de La Grave, un site très spécial, où certes, le ski se pratique, mais sans les habituels aménagements très lourds des domaines skiables. Les élus nous donnent des garanties, tout en déléguant la gestion de la station à la SATA, l’opérateur de l’Alpe d’Huez et des Deux Alpes, et lancent le projet du T3 avec le but avoué d’en faire « un site comparable à l’Aiguille du Midi à Chamonix ou au Pic du Midi dans les Pyrénées ». La gestion unique des stations conduira même un temps à la mise en place d’un « produit héliski » entre l’Alpe d’Huez et La Grave, une pratique illégale qui sera abandonnée après nos dénonciations auprès des médias et des services de l’État. Mais on voit bien le peu de cas fait par les nouveaux gestionnaires de « l’esprit des lieux ».

La Grave et le glacier de la Girose méritent largement mieux que d’être transformés en une banale piste surplombée de câbles. Nous pensons que la vocation du site du col des Ruillans, actuelle arrivée du téléphérique à 3200m, serait de devenir une belle porte d’entrée dans un domaine de haute montagne, au caractère exceptionnel, en contact direct avec un des derniers grand glaciers des Alpes du sud. Et non être transformée en banale station intermédiaire d’une méga station de ski…

En 2021, le collectif La Grave Autrement lance une collecte participative pour financer l’étude d’un projet de développement alternatif. Il faudra attendre septembre 2022 pour qu’elle livre ses premières conclusions, démontrant la fragilité économique du projet. Ainsi, le T3 ne sera rentable que s’il s’accompagne de projets immobiliers qui artificialiseront encore d’avantage le territoire et feront augmenter le prix des logements au détriment des populations locales.

Un feuilleton de procédures juridiques

L’enquête publique autour du projet s’est tenue du 19 décembre 2022 au 20 janvier 2023. L’avis rendu est favorable au projet et le permis de construire accordé. Cependant, Mountain Wilderness et La Grave Autrement contestent fortement le mode opératoire et notamment, requête en référé-suspension et un recours sur le fond. Nos associations saisissent alors la justice dans l’objectif de dénoncer ces procédures portant atteinte à la démocratie.
Le 25 mai 2023, rejointes par les sections PACA, AuRA et Hautes-Alpes de requête en référé-suspension et un recours sur le fond, la Ligue pour la Protection des Oiseaux PACA et Biodiversité sous nos pieds, nos associations ont déposé une requête en référé-suspension et un recours sur le fond contre le permis de construire. Notre argumentaire vise notamment à démontrer que l’étude d’impact, un des documents clés sur lesquels se base l’enquête, a été insuffisante (périmètre trop restreint de l’étude, non prise en compte d’une espèce protégée...). Le Tribunal administratif de Marseille n’a pas reconnu l’urgence de suspendre le permis de construire mais le jugement sur le fond reste à venir.
En juillet, un inspecteur police de l’environnement de l’Office français de la biodiversité s’est rendu sur site avec des chercheurs du Laboratoire d’Écologie Alpine, confirmant la présence de plusieurs spécimens d’Androsace du Dauphiné sur le piton rocheux, futur lieu d’implantation du pylône. En tant qu’espèce protégée, sa destruction nécessite une dérogation pour « raison impérative d’intérêt public majeur ». Malgré nos signalements, le préfet des Hautes-Alpes n’a pas encore engagé cette procédure. Le Tribunal administratif de Marseille devra considérer la présence avérée de cette plante dans son jugement sur le fond, qui pourrait aboutir courant 2024.

Une mobilisation qui s'amplifie

Mi-septembre, le collectif La Grave Autrement constate et alerte sur le démarrage imminent des travaux : survols d’hélicoptères, présence d’engins et d’Algecos sur le piton rocheux. La SATG passe en force, sans attendre le jugement sur le fond. En effet, s’il s’avère en 2024 que les travaux sont jugés illégaux, toute construction devra être « défaite », mais la destruction infligée au milieu d’ici-là sera irréversible. Mountain Wilderness et ses associations partenaires mettent donc en branle toutes leurs énergies, en déposant un référé-liberté visant la suspension immédiate des travaux menés par la SATG, et organise un rassemblement sur site en 48h.
Une tribune à l’attention du préfet des Hautes-Alpes rédigée par nos associations est publiée dans Libération, signée par différentes personnalités publiques et scientifiques.
Deux semaines plus tard, une seconde mobilisation est organisée au plateau d’Emparis, face au glacier, où nous appelons le Président de la République à instaurer un moratoire de tout nouvel aménagement sur les glaciers.

Le sujet retentit dans l’opinion publique et nombreux s’en saisissent, à l’image des Soulèvements de la terre qui installent un bivouac à 3400m.
La prochaine échéance interviendra du 8 au 10 novembre dans le cadre du One Planet – Polar Summit, premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles : saurons-nous saisir collectivement l’occasion d’enfin laisser les glaciers tranquilles ?

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