Aménagement abandonnés Sarajevo Winter Olympics 1984 © Michael Kötter CC BY NC SA 2.0

JO d’Hiver 2030 : France Nature Environnement et Mountain Wilderness saisissent la Commission nationale du Débat Public

Le 19 juin dernier, nos associations adressaient au Président de la Commission nationale du Débat Public une demande d’organisation de débat public relative à la candidature des Alpes françaises aux Jeux d’Hiver 2030, déposée conjointement par les présidents de Région Auvergne – Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. La signature officielle du contrat avec le comité international olympique (CIO) est prévue le 24 juillet. Une fois signé, ce contrat international sera irrévocable et les travaux envisagés devront être réalisés conformément aux engagements et quelles qu’en soient les conséquences pour les habitants et leur environnement.

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Transition

Écrit par le comité de rédaction

Publié le 08 juil. 2024

Nos associations demandent l’ouverture d’un débat public faisant toute la transparence sur ce projet

La candidature française souffre de nombreux écueils sur le fond - des JO sur le même modèle « tout ski » que ceux organisés durant les Trente Glorieuses et sans tenir compte des signes inquiétants du réchauffement climatique en montagne - et sur la forme : précipitation dans la décision, absence totale de concertation, enclavement et dispersion des sites olympiques, ressources financières des collectivités encore fragilisées par les dettes des JO précédents (1968 et 1992) et réduites par la crise énergétique actuelle...

Un dossier de candidature ni sobre ni écologique

  1. Du point de vue des enjeux de mobilité
    Selon l'Ademe, la mobilité est responsable de 52% des émissions de gaz à effet de serre des sports d'hiver. Des jeux étalés sur quatre pôles cumulent les difficultés de déplacement entre les sites pour les organisateurs, les délégations, les sportifs, les spectateurs. Or pour être écologiques, il faudrait que les gares et lignes de desserte ferroviaires puissent absorber un maximum de voyageurs, ce qui n’est pas le cas puisque les réseaux n’ont pas été entretenus ou que les projets de rénovation sont sans cesse repoussés. En moins de six ans (délai avant l’ouverture officielle des JO), la remise en état pour la diffusion et la fluidification sur les territoires des très nombreux déplacements engendrés par l’évènement est impossible.

  2. Du point de vue des enjeux d'aménagement
    Si le dossier de candidature vante le fait que 95 % des équipements sont existants, il se garde bien de souligner que ces derniers ne sont pas conformes aux normes olympiques d’aujourd’hui, les performances des athlètes et les exigences du CIO ayant beaucoup évolué ces dernières années. Par exemple, le tremplin de saut de Courchevel construit pour les JO d’Albertville devra faire l’objet de travaux importants pour être mis aux normes : la piste de réception devra être rallongée de 8 mètres, suscitant des mouvements de terre conséquents pour déplacer et recréer une butte artificielle (coût de 20M€ non intégré à l’estimation initiale).

  3. Du point de vue des enjeux liés au réchauffement climatique
    Les ONG environnementales attirent depuis longtemps l’attention des pouvoirs publics sur les conséquences de la production de neige artificielle : destruction des milieux naturels, modification des cycles de l’eau, forte consommation énergétique... Il faut ajouter, à échéance 2030, le risque d’une température trop élevée pour assurer le fonctionnement des canons à neige. Le plus vraisemblable, selon les accélérations constatées par rapport aux prédictions du GIEC, ce sont le risque de zéro enneigement ou d’évènements météorologiques intenses nécessitant l’annulation de tout ou partie des épreuves, rendant ainsi inutiles les investissements pharaoniques réalisés.

Un projet contraire aux lois françaises en vigueur

Les obligations des lois climat et résilience sur la préservation de la biodiversité ainsi que l’objectif de zéro artificialisation nette sont totalement ignorées par le projet.
Le principe d’équilibre des communes est lui aussi omis du projet : l’État impose l’équilibre budgétaire aux collectivités territoriales alors que ces JO les contraignent à s’endetter.
Habituellement pour les JO, les États se portent garants des dépassements budgétaires jusqu'à un certain montant. Or, pour cette édition, l'État n'a pas encore annoncé une telle garantie, ce qui signifie que ce seront les communes et les citoyens qui devront absorber les coûts supplémentaires. Les risques sont élevés, car les dépassements budgétaires sont fréquents pour les JO. En effet, les études montrent que les JO sont presque toujours déficitaires. Les exemples de Grenoble (1968) et d'Albertville (1992) en sont des preuves concrètes : ces communes peinent encore à rembourser leurs dettes, les coûts ayant été quatre fois supérieurs aux prévisions initiales.
Les JO d’hiver vont donc générer toute une série d’impacts considérables sur les territoires de montagne et auront des conséquences à long terme aussi bien écologiques qu'économiques et sociales. Alors que la situation oblige à accélérer la transition touristique, et même économique, les Jeux d’Hiver enferment les Alpes dans une vision de la “montagne sports d’hiver”. Les investissements publics devraient au contraire accompagner la transition, soutenir des initiatives alternatives, et non conforter un modèle économique très vulnérable, comme le rappelle la Cour des Comptes dans son rapport du 6 février 2024 intitulé “Les stations de montagne face au changement climatique".

Vers un débat public pour cet évènement aux investissements et impacts colossaux

Comme l’écrivait la Commission internationale pour la protection des Alpes (CIPRA) dès janvier 2022, au sujet des JO d’hiver 2026 programmés en Italie, « les erreurs du passé ne doivent pas être répétées. Les besoins des régions concernées et les intérêts de leurs habitants·es doivent être pris au sérieux et encouragés, notamment en ce qui concerne une vraie durabilité écologique, sociale et économique. »
Les organisations signataires souhaitent l’ouverture d’une consultation nationale avant toute décision irrémédiable, pour que ces jeux d’hiver ne constituent pas un accélérateur de l’artificialisation des sols et du bétonnage des stations de montagne avec des lits froids ou des résidences secondaires qui transforment les communes en dortoirs.

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Demande d'organisation d'un débat public | FNE & MW France

JO 2030 Demande débat public FNE et MW VF

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