Sur le fond, cette stratégie est plus précise, plus cohérente et mieux organisée que les précédentes. Cependant, son caractère opérationnel est fortement questionnable du fait de deux écueils fondamentaux que le gouvernement n’a pas voulu prendre en compte :
L’OPPOSABILITÉ DE LA STRATÉGIE
Contrairement à d’autres stratégies nationales, la SNB 2030 n’est pas assortie d’un système de redevabilité qu’aurait permis sa publication par décret. N’étant pas opposable, c’est pour l’heure une « feuille de route » ou une déclaration d’intentions, les ministères et établissements concernés par sa mise en œuvre n’étant assujettis ni à un « rapportage » ni à l’ajustement des actions qui seraient en souffrance. En cela le gouvernement n’a pas tiré le bilan des deux stratégies précédentes, qui se sont enlisées faute de portage politique et ministériel dès que quelques remaniements ou changement de gouvernement sont passés par là (réduisant le document à tout autre chose qu’une stratégie nationale, au mieux un référentiel pour l’action et au pire un document de communication non suivi d’effets).
LA QUESTION DES MOYENS
Le gouvernement - même s’il a concédé un effort budgétaire pour 2024 de 264 M€ - ne s’est pas engagé à programmer une montée en puissance des moyens accordés à cette stratégie et à ses enjeux, alors même qu’un rapport de l’Inspection Générale des Finances et de celle de l’Environnement (IGF-IGEDD) estime à 600 M€ minimum les besoins annuels pour une mise en œuvre efficace. De plus, le gouvernement ne s’est nullement engagé dans la résorption ou la réorientation des subventions publiques néfastes pour la biodiversité, estimées à plus de 10 Mds€ par an selon le même rapport IGF-IGEDD. Outre que cette indécision manque à un des objectifs majeurs de la dernière COP biodiversité, elle est surtout l’expression d’une schizophrénie qui perdure : malgré les avancées scientifiques qui documentent de mieux en mieux l’urgence à agir contre l’effondrement de la biodiversité, en complément aux politiques d’atténuation et d’adaptation aux dérèglements climatiques, l’État est incapable de choisir, de porter et d’assumer les réorientations nécessaires des politiques qui nuisent à la biodiversité (et le plus souvent en même temps au climat).
Ainsi, cette nouvelle stratégie constitue un pas en avant dans la prise en compte des enjeux de biodiversité. Mais sa mise en œuvre dépendra beaucoup de l’engagement des associations, des collectivités et des acteurs professionnels. On y est habitués, mais le temps presse et nous n’abandonnons pas l’objectif que la stratégie devienne plus opérationnelle par son inscription dans le droit.