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Des Jeux d'Hiver 2030 dans les Alpes ? La montagne sur une mauvaise pente

L’avenir de la montagne et de ses habitants est, clairement, en jeu. L’histoire de nos vies en montagne est forte et marquée par d’innombrables transformations, parfois rapides. Savoir s’adapter a toujours été un "sport" très montagnard ! La décennie 2020-2030 est, et va être, marquée par une très forte accélération des tensions. Nos modèles économiques, touristiques et culturels sont, et vont être, sérieusement remis en cause. Clairement, dans l’intérêt de tous, il ne faut plus continuer, aveuglément, comme avant. Pourtant, l’annonce de jeux d’hiver en 2030 dans les Alpes sonne comme un total contre-sens qui risque de gravement "plomber" l’indispensable dynamique de changement pour nos montagnes !

5 min de lecture
Transition

Écrit par Fiona Mille, Présidente

Publié le 08 janv. 2024

1. La transition des territoires de montagne requiert la mobilisation de grands moyens dès aujourd'hui

Alors qu’il est objectivement complexe d’envisager de nouvelles manières de vivre à l’année dans nos vallées et villages, que l’engagement de tous les moyens parait indispensable pour prendre cet important virage… La priorité politique régionale concentre tout sur 15 jours de Jeux, pour un mois de février et en 2030... ! C’est hallucinant et peut s’avérer démotivant, voir décourageant sur le terrain.
Les Jeux d’hiver 2030 vont mettre les Alpes en retard sur le chemin des indispensables transitions !

2. La transition doit être équitable pour l'ensemble des territoires de la montagne

Alors que la grande diversité des territoires de montagne mérite d’être accompagnée, valorisée, partout dans les Alpes… Les Jeux d’hiver 2030 vont capter des milliards d’euros, sur à peine 0,5 % des territoires de montagne et principalement vers ceux qui ont déjà touristes et argent (La Plagne, Courchevel, Nice ...). Les Jeux d’hiver 2030, plutôt que de créer une unité alpine, vont aggraver les fractures territoriales.
Les Jeux d’hiver 2030 vont ralentir encore la diversification portée par les investissements, publics et privés, au moment où nous en aurons le plus besoin. 

3. La transition des territoires de montagne nous invite à offrir de nouveaux récits, pour un avenir désirable

Alors que dans notre histoire, les Jeux Olympiques d’hiver ont été des événements souvent inspirants, là, avec les Jeux d’hiver 2030, nous nous apprêtons à faire rêver les enfants de nos écoles devant de superbes images de ski, de glisse et de neige (poudreuse ou artificielle) qui vole sous un ciel d’azur... Alors même que les fermetures de stations dans les vallées voisines s’accéléreront.
Et quelle déception, quand les années suivantes ces mêmes enfants ne pourront y accéder, soit par manque de neige, soit par fermeture pour faillite de leurs stations, soit encore parce que les stations les plus hautes seront inaccessibles financièrement à leurs familles...
Les Jeux d’hiver 2030 vont nous bloquer dans un passé qui ne fonctionnera plus, amenant déception et frustration, voir un sentiment d’impasse !

4. Le contexte climatique et les limites planétaires exigent un changement de paradigme de nos activités humaines

Alors que la planète peine à se mobiliser au niveau suffisant pour enrayer les catastrophes à venir, les régions Alpines donneraient un très mauvais signal en continuant comme avant, voir en accentuant, les émissions de gaz à effet de serre, la prédation sur l’eau, l’air, les sols et la biodiversité... avec juste quelques pansements écologiques pour faire bonne figure.
Bien sûr les annonces qui pleuvent se veulent exemplaires. Mais tous les antécédents prouvent le contraire. Et Paris 2024 risque malheureusement d’aller dans le même sens. « Les organisateurs promettent des jeux ultra-verts » titrait les Échos du 19 mars 2017. Mais fin 2023, le Point du 22 décembre titre « JO de Paris : les organisateurs réduisent encore la voilure sur l’environnement » !

5. Les citoyens.nes doivent être au centre des décisions concernant l'avenir des territoires de montagne

Alors que les habitants des Alpes et les Français semblent très sceptiques sur l’intérêt et inquiets des impacts de ces possibles jeux d’hiver 2030 (toutes les enquêtes de lecteurs des quotidiens indiquent des pourcentages élevés "contre les JO d’hiver 2030". Autour de 60% dans Le Figaro, Le Progrès, Alpes 1, Le Dauphiné Libéré...). Le portage de ces Jeux d’hiver parait très politique et surtout éloigné de l’avenir des territoires alpins.
Dans ce contexte important pour notre devenir commun, les régions Alpines seraient bien inspirées, avant d’engager des milliards d’euros pour ces 15 journées de février 2030, de consulter la population par l’intermédiaire, pourquoi pas, d’un référendum.

Le modèle du ski-roi, que porte ces Jeux d’Hiver 2030, va approcher sa fin de vie. Dans cette période de bouleversements, nous avons tous besoin de renouer des liens forts et respectueux avec la vie des montagnes, avec les cycles naturels et les limites planétaires.

Plus que jamais nous devons faire preuve d’énergie, de mobilisation, de créativité pour imaginer et nous engager pour la vie en montagne des années 2030-40-50… La vie de nos villages à l’année, la diversification des métiers et des activités économiques sont les défis majeurs qui nous permettront de vivre en montagne. Les montagnes et ses habitants sont porteurs d’une sacrée diversité de situations, de savoir-faire et de richesses.

Tous les ingrédients semblent réunis pour faire des Alpes des territoires pionniers des transitions. Plutôt que des Jeux d’hiver en 2030 qui nous entraîneraient sur la mauvaise pente, nous avons besoin de vraies dynamiques audacieuses et partagées. Pour accompagner, inspirer ces changements, nous devrions penser et investir des événements festifs pour rêver ensemble et imaginer un autre avenir plus inspirant, pour nos montagnes !

Retrouvez notre Communiqué de presse pour décryptage de notre argumentaire

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